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L'art de l'authenticité : Kiara, la photographe qui raconte le rap

Kiara, aujourd’hui âgée de 29 ans, s’est passionnée pour la photographie dès son adolescence. Au fil de notre conversation, elle nous raconte son parcours en partageant ses premiers pas, les défis qu'elle a dû surmonter, et comment elle a réussi à trouver sa place en travaillant avec des rappeurs renommés. Ce parcours où la timidité n'est plus un frein, mais une force qui lui permet de capturer l'essence même de ses sujets. Plongez-vous dans l'univers de cette artiste.

Comment est née ta passion pour la photographie ? Et comment est-ce devenu ton métier ?

J'ai toujours été attirée par l'art et les travaux manuels. Un jour, lors de vacances avec mes parents, j'ai pris leur appareil photo numérique et, très vite, j'ai réalisé que je ne prenais pas simplement des photos souvenirs, mais que je cherchais à capturer de bons plans de fleurs, etc. Après cela, j'ai photographié mes amis et mes parents m'ont acheté mon premier boîtier photo avec un objectif. J'étais très contente, car avoir un boîtier pour la première fois était quelque chose d'exceptionnel pour moi ! Avec du recul, je me dis que le numérique était tout de même plus pratique (rire).

Lorsque j’étais au Lycée, mon beau-frère travaillait pour un média de culture urbaine. Il m'a donc proposé de travailler bénévolement pour eux, en échange d’accréditations. C'était incroyable, j'avais 15 ans et j’avais la chance d’assister à de grands concerts ou événements et de photographier des artistes tels que Snoop Dogg, Soprano ou Juste Debout à Bercy. Malheureusement, le média a fermé du jour au lendemain. J'ai alors passé mon bac en me demandant ce que je pourrais étudier après. Je savais que j'aimais beaucoup la photographie mais je ne pensais pas que je pourrais en vivre. Je me suis alors tournée vers une autre de mes passions, la vidéo, en m’inscrivant à une licence en études cinématographiques et audiovisuelles à La Sorbonne. Cependant, j'ai eu beaucoup de mal à m'y intégrer: les cours étaient principalement théoriques, alors que je voulais pratiquer et l'environnement était très différent de celui que je connaissais. Après un mois, j'ai arrêté afin de commencer un BTS audiovisuel en alternance. Malheureusement, je n'ai pas réussi à trouver d'entreprise. Ce fut une grande déception pour moi, car je pensais que cela serait facile d'intégrer des écoles. Perdue, j’ai donc cherché un emploi et c’est chez Adidas que j’ai décroché un CDI, dans la vente. Je ne sais pas si c'était une erreur, mais j'ai accepté car dans mon entourage, être photographe n'était pas considéré comme un métier, tandis qu'un CDI était très bien vu. Pendant cinq ans, j'ai abandonné tout ce qui touchait de près ou de loin à la photographie, car cela me frustrait de ne pas pouvoir m’investir dans cette pratique autant que je l’aurais voulu. Ce qui m'a sauvée, c'est la pandémie de Covid-19, j'ai profité de cette période pour réfléchir à ce que je voulais vraiment faire: la photographie, même si on me disait que ce n'était pas un métier sûr.



Tu mets en avant la culture rap dans ton travail. Est-ce un univers qui t'inspire particulièrement ?

J'ai rencontré Thami, un photographe et réalisateur de clip de Tremblay, en allant visiter son exposition. Il m’a dit de ne pas hésiter si je voulais faire de la photo! Je pensais qu'il serait difficile de rentrer dans ce monde, que les photographes gardaient leurs secrets, mais au contraire : il m'a prêté du matériel, donné des conseils et m'a beaucoup poussée. En me permettant de l'accompagner sur des plateaux de tournage pour des shootings plateaux, il m’a permis de rentrer dans le monde de la photo et plus particulièrement dans le monde du rap. J'en ai fait un puis deux, jusqu'à ce que je rencontre un autre réalisateur qui, lui, m'a proposé de travailler sur un tournage de Dosseh. Peu de temps après, j'ai été contactée par un label pour des collaborations photographiques. Le rap, je ne me suis jamais posé la question, c'est ce qui me parlait. C'était déjà une passion avant même que je ne m'intéresse à la photographie. J'étais passionnée par le monde du rap, la musique, tout cet univers. Ce qui m'inspire, c'est la sincérité que l'on y retrouve. Je me sens plus à l'aise dans ce monde-là, même à minuit sur un tournage de rap que lors d'un shooting à un mariage où tout est surjoué et moins naturel. Je suis malgré tout, une personne très réservée et le rap me permet de rester moi-même. Je n'ai pas besoin de me cacher ou d'en faire trop car c'est un univers où les gens sont vrais. Je me sens comme chez moi.


“Tu peux être le meilleur mais si tu ne tentes pas, tu vas rester le meilleur chez toi.”

Tu as photographié des rappeurs tels que Gazo, Maes, ou Kalash Criminel, comment as-tu réussi à trouver ta place malgré ta timidité ?

Il faut beaucoup de courage pour se lancer dans ce domaine. Au début, ma timidité était à la fois un défi et une force : il faut savoir se rendre invisible lors des séances photo sur les plateaux de tournage. Cela m'a permis de me fondre dans l'environnement et de capturer des moments authentiques. Cependant, j'ai également dû apprendre à me dépasser et à sortir de ma zone de confort. Travailler dans la vente chez Adidas a été une étape importante pour moi. Au début, cela pouvait être gênant pour une personne timide comme moi, mais au fil du temps, je me suis habituée et j'ai trouvé ma place. J’ai compris que poser des questions est toujours légitime et qu’il faut oser se lancer.

Lorsque je photographie des rappeurs tels que Gazo, Maes ou autres, il est essentiel pour moi de créer un lien avec eux, c'est d'ailleurs pour cela que je ne fais pas de photos de concerts. J'ai besoin de me sentir à l'aise et de comprendre leurs besoins et leurs attentes. Heureusement, les artistes avec lesquels j'ai travaillé ont fait preuve d'une grande ouverture et d'une réelle collaboration. Ils comprennent l'importance de travailler ensemble lors des séances photos, et que celles-ci sont dans leur intérêt. Avant chaque séance, je me présente, je leur explique ma vision et mon approche. Je leur montre les photos au fur et à mesure, et je demande toujours leur validation avant de les partager sur les réseaux sociaux. Je mets un point d'honneur à respecter leur image et à ne pas les embêter, en me mettant à leur place. Je crée un lien de confiance avec eux, en prenant en compte leurs préférences et en leur permettant d'être eux-mêmes devant l'objectif. Si moi-même j'ai confiance en moi et en mes capacités, et qu'eux ont confiance en moi, cela se reflète dans le résultat car la collaboration est fluide.


Sur ton compte Instagram, nous remarquons une évolution de ton travail, passant d'une orientation plus axée sur la photographie de rue à la photographie studio. Pourrais-tu nous en dire plus sur cette transformation ?

Plus le temps passe, plus je prends conscience de cette évolution. Au début, les séances photos étaient très intimidantes pour moi car j'avais un peu le syndrome de l'imposteur, je ne me sentais pas légitime. Je préférais même dire non plutôt que d'accepter un shooting. Cependant, au fil du temps, j'ai fini par me forcer à dire oui, et à accepter des projets différents de mes habitudes tels que les photos en studio, alors que je n'avais pas de connaissances dans la gestion des lumières. Aujourd'hui j'ai fait la photo de la pochette de la mixtape de Malty 2bz, que l'on peut retrouver dans les magasins Fnac et j'en suis trop fière !

Te vois-tu continuer à réaliser des pochettes d'albums et travailler avec des rappeurs sur le long terme ?

Je suis très passionnée par mon travail et j'aime collaborer avec des rappeurs, je peux certainement continuer à le faire pendant encore longtemps. Le rap est devenu très populaire à Paris, et il y a de nombreux nouveaux photographes qui émergent. Fifou est un modèle pour moi, cependant, je suis consciente qu'il y a encore beaucoup de travail à accomplir pour y parvenir. Je ne souhaite pas me limiter à un seul style et j'aimerais explorer d'autres genres musicaux afin de diversifier mes collaborations. Actuellement, il y a plusieurs rappeurs avec lesquels j'aimerais collaborer à l'avenir. Avant je rêvais de travailler avec Alkpote et j'ai eu la chance de réaliser la pochette d’un de ses singles mais j’apprécierais également de collaborer avec des artistes tels que LIM, SCH, Orelsan et Niska. Ce sont des artistes que j'admire énormément, qui ont une vision artistique unique et qui repoussent les limites de la créativité. Leurs clips musicaux sont dignes d'œuvres cinématographiques, et je pense que je pourrais être très inspirée. Parfois, j'ai aussi le sentiment qu'une simple photo ne suffit pas toujours à exprimer tout ce que je veux communiquer. C'est pourquoi je suis également très intéressée par la réalisation de vidéos, notamment documentaires. Je suis admirative du travail des réalisateurs et je crois que ce médium peut apporter une dimension supplémentaire à mon travail en me permettant de raconter des histoires de manière plus complète. En attendant que je me forme, je veux aller le plus loin possible dans la photo.


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