Harouna Pale : Un parcours d'athlète engagé et passionné
- rbelorgane
- 18 oct. 2023
- 6 min de lecture
L'univers de l'athlétisme regorge d'histoires fascinantes de passion, de persévérance et de succès. Harouna Pale, originaire du Burkina Faso, incarne à merveille ces valeurs. Athlète de haut niveau et actuellement entraîneur, il a consacré une grande partie de sa vie au sport. Après avoir étudié l'économie et la comptabilité, Harouna a fait un choix audacieux en abandonnant ces domaines pour se tourner vers sa véritable vocation : l'athlétisme et l'animation jusqu’à participer deux fois aux Jeux Olympiques.

Comment t’es-tu lancé dans la pratique de l’athlétisme?
Au Burkina Faso, il n'y avait pas d'école d'athlétisme comme en France, j'ai découvert cette discipline grâce à l’éducation physique enseignée à l'école ! C’était le deuxième sport que j’appréciais le plus, après le football. À ce moment-là, ce qui m'intéressait avant tout, c'était la hauteur et la longueur. Nous nous confrontions entre classes afin de savoir qui sautait le plus haut ou le plus loin. Nous aimions beaucoup cela ! Je sautais à 2 mètres en hauteur et 7,14 en longueur ! Après le bac, je suis allé à l’université où j'ai étudié la finance et la comptabilité. J'étais en DUT, un parcours très intense, qui ne me permettait pas de pratiquer un sport collectif, notamment le football. J'ai donc choisi de continuer l'athlétisme. À ce moment-là, je me suis rendu compte que je courais plus vite que tout le monde alors je me suis dit “Pourquoi pas la course?”. C'était une révélation et quand j’ai découvert le sprint, j’ai laissé la hauteur pour me concentrer sur cette pratique. J'ai fait quelques compétitions universitaires et je me suis lancé. J’ai été pris dans la sélection de la CONFEJES afin de représenter mon pays lors de différentes compétitions en Afrique et à l'international tout en poursuivant mes études en France pour effectuer une Maîtrise en administration économique et sociale avec un cursus en histoire. Cela m’a donné l’opportunité d’approfondir mes connaissances sur l‘histoire de l’Afrique car il n’y a pas beaucoup d’écrits sur celle-ci et de pratiquer ma passion.
Quelles sont les plus grosses compétitions auxquelles tu as participé ?
J'ai été deux fois aux Jeux olympiques mais j'aurais pu y participer quatre fois ! (rires) En 1980, j'ai été sélectionné au Gabon pour représenter la Haute-Volta (ancienne Burkina Faso) aux JO de Moscou. Durant cette période les Russes envahissaient l’Afghanistan. Les Américains et leurs alliés ont donc choisi de boycotter ces Jeux. En ce temps-là mon gouvernement était pro-américain je n'ai donc pas pu y participer. C'était la première fois que j'avais choisi de faire une année blanche, sans études, pour me consacrer entièrement à la préparation et à mes entrainements en France. Ce qui m'a rassuré est que je n'avais pas fait tout cela pour rien : en 1982, j’ai été aux championnats du monde en Finlande. Le 3 août 1983 il y eut un coup d'État chez moi et cette fois, le nouveau gouvernement était pro-russe. D'ailleurs, c'est à ce moment-là que le nom du pays et l’hymne ont changé pour devenir le Burkina Faso. En 1984, j'étais de nouveau sélectionné pour les JO, j'étais prêt à prendre l'avion pour m'y rendre lorsque la veille de mon départ, on m'a dit : “tu ne pars plus”. Cette fois c'étaient les Russes qui avaient décidé de boycotter les Jeux de Los Angeles… Mes entraîneurs m'ont dit “console toi, tu feras les championnats du monde à Rome”, j'y ai donc participé en 1987. L’année suivante, j'ai enfin participé à mes premiers JO qui se déroulaient à Séoul. C’était un de mes plus beaux souvenirs. J’ai particulièrement aimé le village des sportifs où l'on découvrait plein de choses, de personnes, c'était un mini-monde où chacun respectait l'égalité et la fraternité ! Durant ces Jeux, j'ai fait les deux premiers tours. J'ai couru aux côtés de Carl Lewis dans la treizième série, d'ailleurs la vidéo existe sur YouTube ! Puis, en 1992, j'ai participé aux JO de Barcelone. Durant ces différents Jeux, j'ai également rencontré d'autres grands athlètes comme Ben Johnson, Asafa Powel, Linford Christie et Marie-Josée Perec ! J'ai également participé à la coupe d’Europe des clubs champions pour représenter la France avec le Racing Club. Nous l'avons remporté trois fois, en 1986 à Lisbonne et les deux années suivantes en Angleterre. Enfin, j'ai participé à plusieurs championnats d’Afrique : au Lagos, deux fois en Égypte, au Nigéria, en Algérie…
“ Lorsque l'on pratique un sport de haut niveau, il faut avoir la volonté et se dire : je vais m’entraîner, je me fixe des objectifs et je vais réussir”.
Quel mindset faut-il avoir lorsqu’on est un athlète de haut niveau ?
Il faut s’imposer une discipline. Au départ, j’avais trois choix : me consacrer soit au sport ou aux études, ou faire les deux. En accord avec ma mère j’ai choisi la troisième option car elle m’a dit qu’elle ne m’empêcherait pas de faire de l'athlétisme mais qu’il fallait que je fasse des études. En effet, mon père, que j'ai perdu très jeune, était instituteur et m’avait fait commencer l’école à l'âge de cinq ans, en avance au Burkina Faso. J'avais assuré une partie de mes études avant d'arriver en France en réalisant mon DUT. En 1985, j'ai passé un an à l'INSEP tout en étudiant à l'université de Créteil, ce n’était pas simple ! Il fallait que je traverse Paris pour m'y rendre après les cours et parfois je rentrais chez moi à 23h. Ma maman n’habitait pas en France et ne pouvait donc pas m’aider au niveau des repas, il fallait donc que je me discipline aussi au niveau de la diététique. J’avais appris à faire la cuisine : je faisais donc toutes mes petites sauces à l'avance que je plaçais au frigo dans des barquettes, je cuisinais mes légumes et je me servais un peu chaque jour. Mes amis m’invitaient en boîte mais comme je m’entrainais
le lendemain, je refusais. Je ne me suis jamais laissé aller car j'avais la volonté de réussir dans les deux, mes études et le sport, non seulement pour tenir la promesse que j'avais faite à ma mère, mais aussi parce que j'étais l'ainé et je devais montrer l'exemple. Lorsque l'on pratique un sport de haut niveau, il faut avoir la volonté et se dire : “je vais m’entraîner, je me fixe des objectifs et je vais réussir”.
Tu es aujourd'hui entraîneur, était-ce la suite logique ? Que veux-tu que tes athlètes retiennent de tes enseignements ?
Il y a deux façons de devenir entraîneur, soit tu anticipes soit tu te formes après ta carrière. J'ai choisi d'anticiper. Il faut dire que j’ai eu moi-même un bon entraîneur, qui faisait partie de la sélection d’Afrique, il était mon père spirituel. C’est lui qui m’a appris à entraîner et qui m’a introduit aux notions plus théoriques. J'ai donc profité de ma pratique sportive avec lui pour emmagasiner toutes les informations qu'il me fallait retenir. En effet, pour faire ce métier, il faut maîtriser la physiologie, la psychologie, le juridique… en plus du technique. Être entraîneur, ce n’est pas uniquement prendre le chrono. Nous savons que l’aspect social et l’environnement vont jouer beaucoup sur la relation avec les jeunes. Nous leur apprenons à devenir des athlètes mais aussi des adultes sur le bon chemin car il y a toujours des tentations autour. Je m'assure de bien les suivre, notamment lorsqu'ils sont mineurs, par exemple en appelant leurs parents si je ne les vois pas à plusieurs entraînements. Je les aide également lorsqu'ils ont besoin de moi. Cela les rassure et rassure aussi leurs parents. Ma mère m’a dit trois choses : “Le travail c’est le moteur de la vie, si tu travailles, tu vas réussir. Il faut être humble: au contact de n’importe qui, tu apprends quelque chose. Il faut être respectueux : des personnes, des choses autour de toi.” Avec le temps, j'ai ajouté un quatrième élément, la persévérance : tu dois être persévérant, même si tu échoues… Tu recommences. Parfois mes collègues me demandent pourquoi je ne gronde pas mes athlètes lorsqu'ils ne viennent pas aux entraînements. Je ne veux pas le faire car je veux qu’ils comprennent que la volonté doit venir d’eux et qu’ils décident qu’ils veulent faire de l’athlétisme. “Si les autres sont devant toi c’est pour une raison, ils ont travaillé ! Si tu viens sous la contrainte parce que tu as peur que l'on te fasse des remarques, ou parce que l'on va te gronder si tu ne le fais pas, si tu n’as pas cette volonté… ça ne fonctionnera pas. Il faut avoir le plaisir de le faire et la volonté d’y arriver.”
Quels sont tes plus beaux souvenirs en tant qu'entraîneur ?
J’ai vu des jeunes dont je me suis occupé depuis les cadets, qui sont médaillés de France, qui ont réussi dans le sport mais également dans la vie. Même s’ils ne deviennent pas champions, c’est toujours une fierté de les voir grandir, de devenir des femmes et des hommes. Il y a l'exemple de Luthna Plocus et Raïssa actuellement journalistes et Aurélie Bellune qui sont médaillées au relais 4x100m des championnats de France [année]. Je me dis que si quelqu’un s’en sort, deviens moins introverti ou autre, ce que je fais sert à quelque chose. Le fait de pouvoir transmettre est un moteur qui m’a poussé à être entraîneur. C’est l‘école de la vie et nous pouvons partager à partir de nos expériences.
Penses-tu retourner sur la piste ?
J’avais envisagé plusieurs fois revenir, car je me suis blessé aux interclubs. Physiquement je me sens bien, j’aimerai faire un 60m en salle mais cela dépendra de mon genou. Beaucoup de générations que j’ai entrainé ne m’ont jamais vu courir alors j’espère le faire cet hiver, ce serait un beau cadeau.
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